Introduisez la pénibilité au travail dans vos évaluations des risques professionnels !
La pénibilité est actuellement au centre des préoccupations sociétales. Elle affecte l’ensemble des salariés par ses répercussions sur la durée du travail et la date de départ à la retraite.
« Augmenter la durée des cotisations est l’option la plus juste, à condition de l’appliquer à tous les régimes et de tenir compte de la pénibilité des tâches » , a affirmé François Hollande en ouverture de la deuxième grande conférence sociale, au Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Il s’agit d’une vraie opportunité pour une vision collective du rapport au travail et pour un acte de solidarité sociétale vis-à-vis de salariés particulièrement touchés par des travaux usants et à même d’attendre de la considération et de la reconnaissance de la part de la société.
Elle permet de repenser la vision du travail de tous les seniors et la capacité de les maintenir dans l’emploi en mettant en exergue la pénibilité de leurs métiers et l’usure due à leurs carrières.
La méthodologie pour les entreprises consiste en l’élaboration d’un « diagnostic de pénibilité » quelle que soit leur taille, qui va impliquer la direction, l’ensemble du personnel et le CHSCT, et qui va déterminer quels facteurs de pénibilité seront retenus par l’entreprise.
Le décret n° 2011-354 du 30 mars 2011 relatif à la définition des facteurs de risques professionnels reprend dans l’article D.4121-5 les facteurs de risques mentionnés à l’article L.4121-3-1 qui sont :
Au titre des contraintes physiques marquées :
- les manutentions manuelles de charges définies à l’article R.4541-2 ;
- les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ;
- les vibrations mécaniques mentionnées à l’article R.4441-1.
Au titre de l’environnement physique agressif :
- les agents chimiques dangereux mentionnés aux articles R.4412-3 et R.4412-60, y compris les poussières et les fumées ;
- les activités exercées en milieu hyperbare définies à l’article R.4461-1 ;
- les températures extrêmes ;
- le bruit mentionné à l’article R.4431-1.
Au titre de certains rythmes de travail :
- le travail de nuit dans les conditions fixées aux articles L.3122-29 à L.3122-31 ;
- le travail en équipes successives alternantes ;
- le travail répétitif caractérisé par la répétition d’un même geste, à une cadence contrainte, imposée ou non par le déplacement automatique d’une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini.
Sur la base de ces données réglementaires, un certain nombre d’accords de branche ont été signés et on y trouve de vraies réflexions sur la corrélation risque-pénibilité (comme par exemple le stress).
Toutes les branches n’ont malheureusement pas été au bout de la négociation et cela oblige les entreprises des branches qui sont dépourvus d’accord de se lancer dans une négociation rendue plus ardue par la relative complexité du sujet.
La fiche de prévention des expositions à certains facteurs de risques professionnels (FPE)
Dans la continuité du dispositif, il y a obligation (depuis début 2012 et l’article R.4412-110) pour l’employeur d’établir, pour chaque travailleur exposé, une fiche de prévention des expositions à certains facteurs de risques professionnels (FPE) mentionnant :
- les conditions habituelles d’exposition appréciées, notamment, à partir du document unique d’évaluation des risques ainsi que les événements particuliers survenus ayant eu pour effet d’augmenter l’exposition ;
- la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ;
- les mesures de prévention, organisationnelles, collectives ou individuelles, mises en œuvre pour faire disparaître ou réduire les facteurs de risques durant cette période.
Elle suit le salarié tout au long de sa carrière et dans un souci de simplification, remplace certains documents :
- liste actualisée des travailleurs exposés aux ACD (R.4412-40 du CT) ;
- fiche individuelle d’exposition ACD (R.4412-41 du CT) dont les évaluations antérieures devraient se retrouver à terme dans la FPE ;
- attestation d’exposition aux ACD (R.4412-58 du CT).
À signaler le maintien de fiches spécifiques complétées (soumises aux mêmes conditions de mise à jour et de communication que la FPE) :
- amiante: fiche individuelle d’exposition (R. 4412-110 & D. 4121-9),
- interventions et travaux en milieu hyperbare : fiche de sécurité (R.4461-13).
Pas de changement pour le suivi des autres expositions :
- risque biologique, rayonnements ionisants, rayonnements optiques artificiels.
La mise en œuvre de cette fiche se révèle ardue du fait :
- de sa très fréquente mise à jour : cette fiche doit être actualisée en cas de modification des conditions d’exposition ; (article. D.4121-8) elle est communiquée au service de santé au travail et remise au travailleur à son départ de l’entreprise ou en cas d’arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle d’au moins 30 jours (3 mois pour un autre motif). Elle est par ailleurs tenue à tout moment à la disposition du salarié ;
- des multiples données qui sont nécessaires à son élaboration au niveau RH (travail de nuit, travail posté, planning des visites médicales…), à celui du HSE (mesurages bruit, VLEP, vibrations, risque chimique…), du CHSCT (aux études ergonomiques : manutentions manuelles de charges, postures pénibles) ou au niveau managérial (organisation du travail…) ;
- de sa connexion avec le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER), les facteurs de pénibilité étant directement identifiables par unités de travail. La mise en œuvre de cette fiche passe pour certaines entreprises par le dépoussiérage du DUER sans lequel elle n’est pas faisable.
Il peut donc s’agir d’une véritable opportunité de faire du DUER, pour les entreprises qui ne l’ont pas déjà fait, un véritable outil central d’évaluation des risques, qui vit tout au long de l’année et qui n’est pas relu et modifié seulement à l’occasion de sa date anniversaire.
Cette obligation doit être utilisée pour rebondir et redynamiser la prévention des risques et son outil principal, le DUER, pour relancer le dialogue direction – CHSCT quand il est déficient et pour mettre la santé des salariés au centre des préoccupations de l’entreprise et en faire un vecteur de progrès.
Comments (7)
Bonjour,
Je partage votre avis que c’est peut-être un moyen de relancer les DUER dans les TPE, car la pénibilité est une mesure concrète associée à des trimestres de retraite… difficile de ne pas se conformer à la loi.
Patrick
un dossier pour compléter sur » La question de la pénibilité dans les parcours professionnels » : http://www.officiel-prevention.com/sante-hygiene-medecine-du-travail-sst/service-de-sante-au-travail-reglementations/detail_dossier_CHSCT.php?rub=37&ssrub=151&dossid=414
Merci de ce partage !
Bonjour,
La « nouvelle » pénibilité (applicable à partir de janvier 2015) a été publiée début octobre. Cet article mérite donc une mise à jour. Il y a 4 grandes nouveautés : l’intégration de la pénibilité dans le document unique d’évaluation des risques, les critères et seuils réglementaires de détermination des pénibilités (seulement 4 pénibilités en 2015), l’annualisation des fiches individuelles d’exposition à certains risques et la gestion de comptes pessonnels de prévention de la pénibilité par la Sécurité Sociale (pour droits à formation, temps partiel ou retraite anticipée selon acquisition de « points).
Cordialement.
Bonjour Olivier,
Il est facile d’introduire la « pénibilité » dans nos démarches d’évaluation des risques professionnels car elle s’y trouve déjà en grand partie ! Sauf souvent en matière de « rythmes de travail ». Mais j’adhère à 200 % au titre de l’article. En effet ce titre et la première de ses deux conclusions finales prônent l’amélioration du procesus d’EvRP, alors qu’on lit trop souvent que la pénibilité ouvrirait une sorte d’obligation « d’évaluation bis » de certains aspects du travail (comme si on avait à développer une évaluation de la pénibilité au travail en plus de celle des risques professionnels…).
Je suis globalement moins positif vis-à-vis du dispositif de la pénibilité que toi car il faut tout de même rappeler qu’il a surtout été une petite douceur sociale pour faire passer le recul de l’âge de la retraite. Du coté « pénibilité Code de la Sécurité Sociale » il pose un problème d’équité car à expositions comparables, les salariés n’ont pas forcément le même profil de pénibilité suivant les seuils de pénibilité retenus par leurs entreprises.
Concernant la tracabilité des expositions dans les fiches individuelles je continue à m’interroger sur leur utilité en regard de l’énergie qu’il faudrait pour les gérer correctement.
Mais pour moi le seul véritable bénéfice du dispositif « pénibilité Code du Travail dans les entreprises responsables c’est surtout au fond de mettre un coup de projecteur sur des risques santé long terme, alors que nombre d’entreprises ne voient dans « S&ST » qu’un seul S, celui de Sécurité et de pensent surtout qu’aux accidents (réflexe courant à relier à la gestion court terme des entreprises).
Cordialement.
Bonjour Olivier,
Effectivement cela a pu aider à faire passer des reformes, néanmoins cela devrait être une base et aider au DUER. La médecine du travail peu vous aider car les classes déjà les risques professionnelles lors des aptitudes et les ergonomes en observant vos postes de travail .
Si le suivit peu sembler « gérable » dans certain secteur comme l’industrie ou les procédures sont cadrées, il n’en est pas de même pour le BTP ou il y a beaucoup d’aléas et de changement de planning.Ne pas oublier l’écart entre le prescrit et le réel!
Il serait intéressant de faire participer les personnes concernées dans le suivit des fiches pénibilités.
Article très intéressant, je suis justement en train de plancher sur le sujet, car à l’occasion d’un toilettage complet de notre DUER, j’avais pensé y intégrer la pénibilité pour faciliter mon suivi.
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